Par Emmanuel Moulin pour Meditationfrance
Emmanuel
Nous avons tous les deux longtemps séjourné et travaillé à ce qui était à l’époque la Commune internationale d’Osho de Pune en Inde.
Et je me rappelle bien de toi, tu as dirigé pendant 5 ans, l’école de Centration et Arts Martiaux Zen (Centering and Zen martial Arts) basée sur les traditions Zen, Soufie et Taoïste.
Aujourd’hui tu es établie au Québec après des années à travailler dans différents pays du monde : Inde, Taiwan, Suède, Grèce, Mexique, USA et Canada. Tu vas venir en France en janvier 2021pour la fameuse retraite « Satori » que tu animes régulièrement. C’est une retraite puissante et très appréciée dans le milieu de la méditation et de l’éveil de la conscience. Qu’est-ce qui explique que tant de personnes disent avoir été transformées par la retraite Satori ?
Chandrakala
Le processus qui s’enclenche en plongeant dans cette expérience agit en profondeur et chaque personne a une façon très personnelle de s’y retrouver. Le fait de passer plusieurs jours en dehors des obligations habituelles, loin de l’ordinateur et du portable, porté par beaucoup de silence – seul avec les autres, amène les gens à s’engager honnêtement dans la démarche. C’est ce qui fait qu’elle les affecte significativement.
Ils constatent assez vite qu’ils n’ont rien à changer, à prouver ou à justifier, mais qu’ils ont besoin de mieux se connaître pour pouvoir devenir responsables de leur propre vie plutôt que de se voir comme les victimes des autres et de la vie. C’est, entre autres choses, ce qui rend l’expérience aussi forte; le regard et l’attitude envers soi et envers les autres se transforment peu à peu – plus de cœur moins de jugements, plus de réel moins de prétention, plus de détente moins de bataille.
Un autre aspect est le fait que chaque personne trouve son propre chemin. Les réalisations qui émergent leur appartiennent ; elles ne viennent pas d’un enseignement extérieur. Cela peut donc demeurer longtemps après la retraite et pourra éventuellement s’intégrer au fur et à mesure de la vie.
Emmanuel
Je dois dire que c’est en faisant un stage Qui Suis-Je? que j’ai mieux compris ce qu’est vraiment la méditation. Et pourtant je pratiquais déjà depuis pas mal d’années Vipassana ou les méditations actives…mais avec cette pratique, j’ai touché la qualité du Témoin miroir et de la Conscience silencieuse. Peux-tu expliquer la technique utilisée des Koans et des échanges et en quoi cela nous ramène à notre centre ?
Chandrakala
En effet, la pratique des koans peut amener plus profondément dans la démarche de méditation.
Il s’agit d’un entraînement intensif qui développe une plus grande capacité de présence et engage une attention soutenue sur sa propre réalité intérieure – ce qui est la base de la pratique de la méditation, une pratique de présence à soi.
Cette méthode Zen qui est basée sur la pratique de koans partagés en dyades, peut d’abord sembler être le contraire de la méditation car on est en présence des autres avec les yeux ouverts, et même s’il y a beaucoup de silence, pendant les pratiques actives, on utilise la parole sous diverses formes d’expression pour communiquer l’expérience actuelle de son koan et de tout ce qu’il fait émerger. C’est un aspect très important de la démarche.
Les adeptes de la méditation peuvent en être hérités au début car ils peuvent se sentir ‘dérangés’ par l’effort demandé pour pouvoir investiguer et mettre le doigt sur ce qui fait obstacle ou ouvre le chemin vers sa vérité, vers sa liberté.
En fait la pratique du koan amène à l’état de présence qui ouvre le regard distancié du témoin intérieur donnant accès à la conscience. C’est ce qui fait qu’on peut aller plus profondément dans la verticalité de la méditation grâce à cet entraînement.
Assis face à face, l’autre est un simple témoin silencieux dont on est aussi le témoin silencieux. On maintient le contact des yeux, en écoute ou en communication, sans se perdre dans l’autre ni dans la situation qui se manifeste ou d’en être conscient quand ça se produit. C’est exactement ce que l’on tente de faire quand on médite en silence seul les yeux fermés…le travail d’intériorisation des koans nous enseigne le chemin pour y arriver
Le koan est comme un fil d’Arianne qui fait pénétrer les multiples couches de la personnalité – pensées, émotions, sensations, mémoires, programmes conditionnés, croyances, peurs, habitudes de comportement, associations et projections, en faisant un pont avec la source intérieure où s’appuie le regard qui rend possible de se désidentifier sans se couper, en incluant tous les aspects de sa propre réalité.
L’exploration du koan cultive la conscience qui permet la réunion des deux aspects d’une seule réalité: la superficie en constante mouvance (l’ego et ses manifestations) et la profondeur qui assure la permanence (l’être, l’essence).
Retraite Zen basée sur une pratique active de koans de vie – Qui suis-je?
‘Ne priez pas pour être guéris et ne regardez pas pour l´évidence d’un ‘autre monde’.
Vous êtes l’âme et le remède pour ce qui blesse votre âme.’ Rumi
Un intensif d’introspection porté par une structure de type monacal pour se retrouver, se rassembler intérieurement et faire le point dans sa vie.
Pendant quelques jours, tout est mis de côté – repos de l’activité quotidienne, du travail, du monde virtuel et des occupations qui nous amènent dans toutes les directions. Tout est mis à profit pour développer présence et conscience à travers une pratique active pour réaliser des Koans de vie tels que : Qui suis-Je? Qui est à l’intérieur? Ce qu’est la Vie? Ce qu’est un Autre? Ce qu’est l’Amour? Ce qu’est la Liberté? Ce qu’est la Vérité? Ce qu’est la Confiance? Etc.
Et trouver le chemin pour y accéder.
Ce processus ouvre le regard à tous les niveaux pour nous rapprocher de la réalité essentielle de notre existence, notre vérité et notre droit d’être qui nous sommes – personnalité et Être unifiés.
Au fur et à mesure que nous épluchons l’oignon des multiples couches de croyances, opinions, mémoires, conditionnements, peurs, blessures, défenses, illusions que nous portons et auxquelles nous sommes habituellement identifiés, nous pouvons arriver à trouver une profonde assise intérieure pour se détendre face à notre condition humaine.
Une méthode simple et directe – sans compromis
Elle nous vient de la tradition Zen. Le psychologue Charles Berner a été le premier à amener cette pratique traditionnelle dans une structure de groupe, en Californie dans les années ‘60. Le maître Indien Osho a également hautement contribué à l’évolution de ce processus.
Cette méthode unique en soi n’a cessé d’évoluer et a prouvé son efficacité; elle est pratiquée dans plusieurs pays du monde…
La structure
Une journée de retraite Satori commence tôt pour profiter de l’énergie montante du matin et elle se poursuit jusqu’en soirée, ponctuée par les pratiques des koans, des périodes de méditations et de Qi Gong, des lectures inspirantes et réflexions, des moments de repos et beaucoup de silence. La nourriture, le lieu, l’ambiance, l’équipe de soutient, tout est mis à l’œuvre pour faciliter et maximiser la démarche.
Pas d’analyse, pas d’interprétation, pas d’interférence
C’est la mise à jour et la mise au point de chacun pour soi.
Le voyage est fascinant, surprenant par moment, et réconciliant tout compte fait.
‘Si tu ne sais pas vraiment qui tu es, regarde et tu trouveras.
Regarde, regarde, regarde, continue simplement à regarder.’ Dogen
Rencontres individuelles
Elles ont lieu tout au long du processus comme support personnel pour chaque participant.
Il ne s’agit pas de thérapie mais d’un moment de partage et de reflet pour aider à garder la direction, pour bien comprendre comment se servir de la méthode et pour témoigner des réalisations expérimentées par chacun au cours de son processus.
Dans la tradition Zen, le Satori est un moment de pleine réalisation, d’unité, de clarté… un instant de grâce qui ouvre un espace inaltérable en nous. Quelque chose qui ne s’oublie pas.
Cela ne peut pas être forcé mais peut être invité en cultivant l’état de présence qui mène à la conscience. Un Voyage qui mène à soi…